Si nous pouvons nous féliciter de toutes les initiatives qui conduiraient à une baisse du coût de la vie dans l’Archipel, il faut aussi bien savoir de quoi l’on parle et connaître les effets véritables de la mesure au final sur le panier de la ménagère.
Rappelez-vous, les manifestations aux Antilles, à la Réunion, en Calédonie… en février dernier, de quoi s’agissait-il ? D’un conflit social sur la question des bas revenus et de leur impossibilité à faire face au coût de la vie Outre-mer.
Le Gouvernement y a repondu par deux mesures principales :
- La mise en place du RSTA (complément de revenu pour les bas salaires) ;
- Le vote d’une mesure de contrôle des prix (L’article 1er de la LODEOM donne la possibilité de fixer par décret une liste de produits de première nécessité dont on contrôle strictement les prix. L’Etat a fait le choix de ne pas le mettre en œuvre, jugeant que, notamment dans les DOM, le coût de la vie n’était pas suffisamment grave pour le justifier).
Il a également été décidé de mettre en place un observatoire des prix et des revenus dans toutes les collectivités Outre-mer, pour mieux connaître et analyser les prix et leur formation, mais aussi afin de repérer les disparités salariales et sortir un salaire moyen dans le public et dans le privé. Mais dans ce domaine comme dans bien d’autres, lorsqu’on veut faire taire des revendications sans apporter de véritables réponses, on crée un observatoire !
A Saint-Pierre et Miquelon le contrôle des prix s’exerce depuis très longtemps sur le pain, l’essence et le fioul.
L’initiative de la charte prise par le Préfet de l’Archipel avait pour but de sélectionner 18 produits de première nécessité et d’entreprendre une négociation avec les commerçants pour que le prix de ces produits reste à leur plus bas niveau en leur demandant d’appliquer la plus basse marge possible. Une charte donc qui démontrerait la « bonne volonté » des commerçants qui se sont engagés à modérer les futures augmentations à venir sur ces 18 produits ou de faire, comme ils le font déjà, des promotions sur ces même produits.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? De quelques centimes d’euros sur un sac de pommes de terre ?
Si nous voulons avoir une véritable incidence sur le coût du panier de la ménagère il faut « la jouer » plus collectif et voir plus loin. Sélectionner les produits en question, faire que les coûts de transport sur ces produits soient gratuits, les exonérer aussi de droits de douane (s’ils ne le sont pas déjà), puis fixer une marge pour les commerçants. Et là nous pourrions espérer un résultat significatif et l’effort aura été collectif et partagé (Etat, collectivités, commerçants). D’autres voix se sont déjà élevées en ce sens.
Prenons deux exemples concrets que nous avons étudiés avec l’aide d’un importateur local : celui d’un sac de 3 livres de pommes rouges Macintosh et celui d’un sac de 5 livres de pommes de terre, tous deux en provenance du Canada.
Pommes rouges macintosh en sac de 3 livres
Le prix de gros, arrivé St-Pierre, d’un tel produit est de 2,72 euros (au détail de 3,40 euros).
- Avec la charte initiée par le Préfet et qui préconise un effort consenti par chaque commerçant de 5 % (soit 5 % de baisse par le grossiste et 5 % de baisse par le détaillant) : le prix de gros du sac de pommes rouges macintosh descendrait à 2,60 euros et celui au détail à 3,12 euros (soit donc au final pour le consommateur une économie de 28 centimes d’euro par sac de pommes rouges de 3 livres et une baisse du prix d’environ 8 %)
- Avec l’effort collectif et partagé que nous préconisons (commerçants + Etat + collectivités) : la suppression ou la prise en charge totale du fret et des droits de douane en complément de l’effort de 5 % de chaque commerçant donnerait un prix de gros de 1,99 euros, et au détail de 2,39 euros (soit donc au final pour le consommateur une économie de 1,11 euro par sac de pommes rouges de 3 livres et une baisse du prix du sac de 32 %).
Pommes de terre en sac de 5 livres
Le prix de gros, arrivé St-Pierre, d’un tel produit est de 1,78 euros (au détail de 2,23 euros)
- Avec la charte initiée par le Préfet (ou seuls les grossistes et détaillants appliqueraient une baisse chacun de 5 %) : le prix de gros descendrait à 1,70 euros et celui au détail à 2,04 euros soit au final une économie de 19 centimes d’euro par sac pour le consommateur et une baisse du prix du sac d’environ 8 %).
- Avec un effort collectif (commerçants + Etat + Collectivités) : le prix de gros descendrait à 1,59 euros et celui au détail à 1,91 euros (soit au final une économie de 32 centimes d’euro par sac pour le consommateur et une baisse du prix du sac de 14 %). A noter que dans ce cas, la baisse est moindre par rapport aux pommes rouges puisque les pommes de terre sont d’ores et déjà exonérées de droits de douane.
Mais il faut aussi que ces efforts ne soient pas réduits ou anéantis dans leurs effets par de nouvelles augmentations, tarifications ou autres mesures. Par exemple, pendant que les commerçants s’engageaient sur le prix de certains produits de première nécessité, la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon décide de facturer les carnets de chèques au-delà de trois carnets de 50 chèques par année. Cette incitation au paiement par carte bancaire provoquera une augmentation des commissions sur les transactions par carte bancaire pour les commerçants qui devront inévitablement la répercuter sur leurs prix !!!
De plus, l’utilisation de la carte de crédit, surtout avec débit différé, reste dans l’Archipel comme ailleurs, un vrai risque d’endettement, notamment pour les plus faibles revenus.
Cela montre la fragilité du système et que l’équilibre est compliqué. Sans stratégie globale territoriale, sans efforts concertés, déployés en même temps par tous, nous avancerons d’un pas un jour, pour mieux reculer le lendemain. Et au final, la situation des plus bas revenus, qui motivait au départ la recherche de solutions, ne sera en rien améliorée.